Une journée, un chandail, une affirmation : Je suis Séropo

L’an passé, dans le cadre de la Journée mondiale de lutte contre le SIDA, des étudiantes de l’Uqam se sont prêtées au jeu de porter pendant une journée le t-shirt « Je suis Séropo ». L’une d’entre elle, Élisabeth, nous raconte son expérience.

Des regards. Insistants ? Curieux ? Intrigués ? Différents. Que dire de ces regards sauf qu’ils n’étaient pas ceux que je reçois habituellement. Comment interpréter cette infime pause d’à peine une seconde, cette prise de connaissance, de conscience de ce qui est inscrit sur mon chandail par la personne devant moi.
Des regards. C’est tout (ou presque) ce que j’ai reçu comme réaction de ces gens qui m’ont croisée en cette journée où j’arborais ce chandail. Pas de commentaires. Pas de questions. De la gêne. Du silence inconfortable.
Un arrêt, puis la suite comme-si-de-rien-était, comme si la personne face à eux ne portait pas un chandail avec cette affirmation bien précise. Une discussion légère comme seuls les gens mal à l’aise mais doués pour le cacher savent en produire…Si j’ai aimé mon clafoutis aux framboises (que je commande au minimum une fois par semaine depuis que j’ai découvert ce petit café, il y a trois mois)? Oui, merci. Je paie, je sors.
Regards entre moi, mon chandail et la terre entière assise dans le café. Silence, discrétion, mais malaise implicite.

En fait, si l’on remonte deux jours plus tôt, une réaction bien différente que ce malaise silencieux a eu lieu.

Contexte : je travaille dans une chocolaterie. Comme je travaillais samedi, je demande, la veille, à ma gérante s’il serait possible de porter le chandail « Je suis séropo » le lendemain. « Oh mon dieu, mais non ! On n’aura aucune vente ! ». Je comprends l’inquiétude et l’anticipation face aux réactions possibles des clients et lui réponds qu’il n’y a pas de problème que je le porterai dimanche. Elle n’en reste pourtant pas là et ajoute sur un ton parfaitement naturel, certaine que tous partagent cette opinion, ma gérante m’explique son raisonnement : « Tu sais c’est comme avec l’Ébola, depuis que ça court, je n’arrive pas à m’asseoir au côté d’un noir dans le métro. Si tu mets ton chandail, qui voudra acheter de nos chocolats ? ». Le gros bon sens.
Pause. Pardon, je ne comprends pas.
«  Mais oui, c’est inconscient ».
Désolée, ça ne me fait pas ça. Ça ne m’a même jamais traversé l’esprit.

Cette réaction a soulevé plusieurs questionnements chez moi. À quel point sommes-nous tous informés de ce qu’est réellement le VIH/sida? De la réalité des personnes vivant avec le VIH/sida ? Des modes de transmissions ? À quel point sommes-nous outillés pour faire face à des situations où la personne devant nous vit une réalité différente de la nôtre, de façon respectueuse et ouverte ?

Je crois que j’aurais aimé discuter avec ces silencieux buveurs de café, mais qu’auraient-ils dit ? Réagissaient-ils selon le raisonnement de ma gérante? Je ne crois pas. Mes observations ne sont nullement scientifiques et objectives, mais reste que ce n’était qu’un chandail et qu’il a mis entre moi et les autres  le silence.

Faisons du bruit ! Ouvrons la discussion ! Ni le silence ni l’ignorance de la réalité ne sont des solutions. Apprenons ensemble.

Elisabeth Mekkelholt

 

Si vous connaissez une personne qui a relevé ce défi et qui souhaiterait témoigner sous forme de courte vidéo, ou si vous aussi vous voulez relever le défi, n’hésitez pas à communiquer avec nous -> Yolaine Maudet yolaine.maudet@cocqsida.com ou au 514 844 2477 poste 29

Comments (2)

Manuel Gomez

Nov 06, 2015 at 3:22 PM Reply

Bravo Elizabeth!
Tout d’abord, j’aimerais bien faire ce défi. Moi je ne porte pas ce chandail, mais je vis avec le VIH tous les jours, j’en parler avec mes collègues, avec mon employeur et je suis ouvert à avec les gens. J’ai présenté aujourd’hui mes résultats de recherche concernant la décriminalisation de la non-divulgation du VIH, eh oui tout à fait, je constat qu’il reste encore beaucoup des préjuges concernant le VIH.
Je travaille fort pour revendiquer les droits des personnes vivants avec le VIH, je suis intéressé à faire connaitre aux gens séronégatifs et séropositifs leurs devoirs et obligations concernant le VIH,IL NOUS RESTE ENCORE DE TRAVAIL À FAIRE, MAIS ON VA ARRIVER COMME SOCIÉTÉ. Moi qui vive avec le VIH je m’intéresse à être aperçu comme un être humain et n’est pas comme une maladie. Merci, vous avez complété ma journée!

PS. Dommage j’ai te manqué au campus sinon, j’aurais mis le chandail avec toi.

Laurette

Nov 06, 2015 at 7:42 AM Reply

Un témoignage qui me touche profondément. Un merci sincère Elisabeth pour avoir porté ce chandail 24h et nous faire part des réactions de ceux et celles que tu as croisés et des tiennes à vivre une telle expérience. Moi qui vis avec le VIH depuis plus de 20 ans mais dans un milieu très protégé j’oublie parfois la dure réalité du « gros bon sens » comme tu l’écris. Encore tant de discrimination en 2015, c’est incroyable! Merci de m’avoir rappelé que la lutte contre la stigmatisation est loin d’être gagnée…

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