Peur de moi

Il n’est pas fréquent, dans les cercles d’amis et de connaissances qui m’entourent, de rencontrer des gens qui ont peur de moi. Mais il n’y a rien de plus dérangeant pour une personne que d’être l’objet de la peur d’une autre.

Parfois, je divulgue mon statut sérologique dans des contextes inattendus et je constate le petit recul de l’autre devant moi. Comme si être porteur du VIH me transformait en agent d’infection avec le seul but de transmettre le virus qui m’habite. Bien au contraire : comme toute autre personne vivant avec le VIH que je connais, j’ai toujours fait tout ce que je pouvais pour éviter de transmettre le VIH.

Imaginez donc le soir où j’ai rencontré un homme qui me plaisait — et à qui je plaisais, je présume — et que nous sommes retrouvés chez moi, au lit, donnant et recevant du plaisir. La belle soirée terminée, il choisit ce moment-là pour me poser la question : connais-je mon statut sérologique? Oui, je réponds, et honnêtement. C’est alors que la crise débute. D’un coup, je suis forcé d’endosser le rôle d’un travailleur social pour l’accompagner dans un passage en revue de notre soirée afin de démontrer l’absence de risque de transmission dans tout ce que nous avions fait.

Non, je ne crois pas que j’ai un « droit » de coucher avec quiconque. Par contre, j’ai le droit d’être vu comme une personne et non pas comme un virus, d’être perçu comme un homme responsable et non pas comme un malfaiteur. Je prends au sérieux mon obligation d’éviter de transmettre le VIH, mais votre mauvais timing à assumer vos propres responsabilités en lien avec la prévention ne fait pas de moi un méchant. Il faut pouvoir regarder au-delà du virus pour voir et apprécier mon éthique et mes valeurs humaines.

Me connaître, ce n’est pas épeurant. Ce qui fait peur, c’est ne pas me connaître.

 

Ken Monteith
COCQ-SIDA

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