Le milieu de la santé demeure un foyer de stigmatisation institutionnelle

Cet article est le quatrième d’une série de cinq illustrant les types de stigmatisations vécues par les personnes vivant avec le VIH et leurs effets. Les résultats qui y sont présentés proviennent de la recherche communautaire Index de la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH au Québec.


Des nouvelles de l’Index: la stigmatisation institutionnelle

Par Brigitte Ménard

Débutons d’abord par une définition concertée de la stigmatisation institutionnelle, ou structurelle: elle renvoie « aux activités cumulées d’organisations et de systèmes qui, volontairement ou non, créent et maintiennent des inégalités sociales »1.

Nous parlons donc ici d’applications de politiques et de procédures dans un cadre donné. Ces cadres sont nombreux: on peut parler des institutions religieuses, des milieux carcéraux, scolaires et de la santé, ainsi que du système judiciaire, du service de police, des médias et des institutions financières. Ce sont tous des environnements physiques appliquant des lois spécifiques à leurs organisations, elles-mêmes aménagées en systèmes.

Barrières de langues et dépression : des facteurs de stigmatisation notables

Cette fois-ci, les données les plus saillantes de notre analyse concernent les personnes vivant avec le VIH qui parlent une autre langue que le français, ainsi que celles qui mentionnent la présence de symptômes de dépression. Dans notre échantillon, nous avons fait le constat que ces personnes présentaient un score moyen plus élevé concernant les « facteurs d’hésitation à demander des soins pour le VIH ».

Nous observons également un score moyen plus élevé dans ces deux groupes en ce qui a trait aux échelles de stigmatisation. Le pourcentage de personnes appartenant à ces groupes et vivant de la stigmatisation dans une ou plusieurs institutions se traduit comme suit :

Un peu plus d’une personne sur trois (37%) vit de la stigmatisation intériorisée.
Un peu plus d’une personne sur trois (36%) vit de la stigmatisation anticipée.
Une personne sur quatre (25%) vit de la discrimination dans le cadre de soins reliés au VIH.

La discrimination dans le cadre des soins: une prévalence marquée

En analysant les données et en tentant de les isoler pour en extraire le sens, nous avons remarqué que la stigmatisation institutionnelle était, de fait, très présente dans le milieu de la santé. Les participant·es parlent de dévoilement forcé et de refus d’accès à certains produits ou services en raison de leur statut sérologique positif au VIH et rapportent avoir été dans l’obligation d’interagir avec des personnes en position d’autorité possédant de fausses informations sur le VIH.

La citation que nous vous proposons aujourd’hui dénote particulièrement ce genre de procédures :

Je ne sais pas si elle avait bien lu mon dossier; elle m’a donné un rendez-vous pour l’opération. Je suis partie, je me suis présentée, j’étais accompagnée par ma fille et ma meilleure amie, des gens avec qui je ne me suis même pas dévoilée. Et jour 1, le chirurgien vient me dire : « Eille madame, on ne va pas vous opérer aujourd’hui car vous avez le VIH et on n’a pas l’équipement ».

Ce genre de paroles, de situations et de comportements perdurent depuis trop longtemps. Cela engendre des conséquences importantes et néfastes chez les personnes qui les vivent. Cela témoigne aussi du peu de sensibilisation du milieu médical sur la question. En effet, dans l’exemple précédent, le chirurgien semble avoir pris pour acquis que les accompagnantes étaient au courant du statut sérologique positif de la patiente et n’a pas pris la précaution de confirmer ou infirmer sa supposition.

Pourquoi si peu de considération de la part de ce médecin?

Il s’agit pourtant d’une question délicate qui devrait être amenée avec tout le respect et la discrétion qui s’imposent. Comme tout type de condition médicale, le statut sérologique est confidentiel, et l’aborder exige un discernement exemplaire de la part des soignant·es.

Que faire pour sensibiliser les intervenant·es du domaine de la santé face à cette stigmatisation et à ce manque de confidentialité, alors que la confidentialité est supposément acquise et requise par la nature même des services offerts en milieu hospitalier?

Pourquoi notre participante n’a-t-elle pas eu droit au même traitement que toute personne ayant des informations confidentielles à son dossier? Est-ce le statut sérologique qui confronte, ou l’histoire qui a mené à ce statut? Ce manque de délicatesse est-il convenable dans notre société en 2022? Après quarante ans de lutte contre la stigmatisation et les discriminations envers les personnes vivant avec le VIH, n’est-il pas temps de prendre conscience que ce sont des comportements inacceptables et désuets?

Et si on se posait les bonnes questions?

Pour plus d’information sur cette recherche, vous pouvez joindre :
Sylvain Beaudry, coordonnateur de recherche
HEADS UP! 2 et Index de la stigmatisation Québec – 514.844.2477 *22

1 Adaptation de A. Stangl, L. Brady et K. Fritz, « Measuring HIV stigma and discrimination », STRIVE Technical brief, juillet 2012, et M. R. Loufty et coll., « Gender and ethnicity differences in HIV-related stigma experienced by people living with HIV in Ontario, Canada, PLoS One,, vol. 7, no 12 (2012), p. e48168

 

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