Discrimination anticipée

Ça m’arrive assez souvent. Je suis en route vers ma destination en autobus ou en métro. Je parle avec un ami. Quand j’aborde un point concernant le VIH, mon ton baisse. Pourquoi ?…

… Pour éviter que les gens autour de moi ne m’entendent, réagissent, s’éloignent de moi ou -pire- racontent aux autres ce qu’ils ont entendu.

Ou bien je suis dans un restaurant ou un bar avec des amis et l’heure d’une prise de médicaments arrive. Oui, je les ai avec moi — la plupart du temps je suis très bien préparé comme ça. Mais la prochaine étape est moins normale. Je me tourne, je cache ce que je fais et je prends mes pilules en « privé » dans un endroit public.

Ce sont peut-être des petites choses, diriez-vous. Pourtant, je suis une personne très ouverte concernant mon statut sérologique : j’ai eu des entrevues dans les médias où je m’identifie comme une personne vivant avec le VIH ; j’écris sur deux blogues (en voici un troisième !) où j’affirme ma séropositivité facilement et souvent ; je travaille dans le secteur communautaire VIH/sida depuis une douzaine d’années. Mais je crains quand même les réactions de personnes que je ne connais pas qui risqueraient de me rejeter, de me juger pour les quelques minutes que nous allons passer ensemble dans un lieu public.

Je suis un homme blanc, bien éduqué, bien entouré et soutenu par sa famille, ses amis et ses collègues. Si  je crains, moi, ces réactions négatives, cette possibilité de rejet, quel doit être le sentiment de la personne qui fait face à une vie beaucoup plus difficile, sans les avantages que je tiens pour acquis?

Mon défi maintenant est d’utiliser mes avantages pour surmonter ces craintes, dans le but de normaliser ma vie de personne séropositive dans notre société. Et votre défi, à vous ? De m’accueillir.

Ken Monteith
COCQ-SIDA

Nous profitons de ce premier billet de la cuvée 2012, toute l’équipe de la COCQ-SIDA et moi-même, pour vous souhaiter une belle et heureuse année !

Comments (4)

Ken Monteith

Jan 13, 2012 at 1:55 PM Reply

@Donald : Oui, nous avons tous besoin les uns des autres. Je deviens convaincu que ce ne serait que par la « sortie du placard » — premièrement, par ceux et celles qui peuvent, suivi par ceux et celles qui auraient plus de difficultés, mais allégées par les actions des autres — que la discrimination va enfin disparaître.

@Corinne : Je pense que le rôle du témoin dans le développement de l’acceptation sociale est primordial. Nous devons en avoir recours encore plus souvent dans la domaine du VIH.

@Jacques : C’est dommage que la situation la plus difficile soit celle des rapports sexuels, car ça ferait tellement de différence dans la lutte contre le VIH/sida si tout le monde était ouvert à discuter du VIH…et d’autres enjeux qui ont des impacts importants sur la santé sexuelle. Établissons un monde où on peut tout discuter et dévoiler sans crainte du rejet ou de préjugés non-fondés!

Jacques Gélinas

Jan 06, 2012 at 11:07 AM Reply

Moi aussi, j’affirme facilement ma sépositivité et privément et publiquement.
Là ou je rencontre le plus de difficultés , c’est dans mes rapports sexuels. Même dans des relations protégées, je crains toujours un rejet d’un éventuel partenaire.
Il faut beaucoup d’audace et de courage pour s’affirmer telque nous sommes et il n’est pas toujours facile de mettre de côté ce que la société pense des personnes vivant avec le VIH.
S’affirmer , c’est dire à d’autres qu’il est possible de vivre avec le VIH et de bien vivre malgré un regard social qui ne facilite pas la prise de parole.
Pensée et regard positif pour l’année 2012.
Jacques Gélinas.

Corinne Parmentier

Jan 06, 2012 at 10:57 AM Reply

J’aimerais souligner, à titre personnel, le rôle essentiel de celles et ceux qui surmontent cette peur du rejet, à la fois si intime et complètement social, pour dire qui ils sont, au-delà du VIH.
Corinne Parmentier, COCQ-SIDA.

Donald Careau

Jan 05, 2012 at 11:35 PM Reply

Les réflexes sont bien ancrés… depuis le temps où l’on se taisais… mais avec le temps et
l’éducation, ces réflexes s’estomperont peu à peu.
Mais c’est sur que peu de gens, peu importe leur statut, aime parler ouvertement de leurs
différences où de leur maladie, peu importe laquelle.
On vit dans un monde égocentrique où il est bien difficile de vivre nos différences, peu
importe laquelle…
Enfin, restons positif, on a tous besoin les uns des autres. Donald .xxx

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