Bris de confidentialité : images représentant un vol de données par ordinateur

Santé et services sociaux : quoi faire en cas de bris de confidentialité?

Dans le réseau de la santé et des services sociaux, les bris de confidentialité ne sont pas à prendre à la légère.

Un bris de confidentialité quant au statut sérologique d’une personne, ou fuite de tout autre renseignement personnel, c’est grave. Mais des recours existent.

Quand Chantal-Paul (nom fictif), une personne qui vit avec le VIH, a été victime d’un bris de confidentialité en lien avec son dossier médical, il a décidé de porter plainte.

Voici son récit.


Trahi par le système de santé

En avril 2018, après que ma médecin de famille m’ait appris que son cancer avait pris le dessus et que je devais commencer à magasiner pour un autre médecin, je suis rentré chez moi et j’ai fondu en larmes.

La relation que j’entretenais avec Dre Vézina est difficile à décrire. C’est une relation humaine extraordinaire qui aura duré 21 ans. Une relation patient-médecin que je qualifierais d’exemplaire. Ma mère la surnommait ma deuxième mère.

À notre dernier rendez-vous, Dre Vézina m’a pris par la main et m’a dit : « J’ai réussi, t’es encore en vie. »

Quelques jours après cet entretien émouvant, j’ouvrais ma boîte aux lettres et je tombais des nues : je venais de recevoir une invitation à devenir patient d’une autre clinique.

À cet instant, je me suis senti trahi. Trahi par le système de santé.

Je me suis rendu compte que certains médecins s’arrachaient les patient·es comme moi. Parce que je vis avec le VIH, je suis « rentable ». On avait cherché à connaître mon adresse afin de pouvoir me solliciter.

Ma médecin n’était pas encore morte que déjà, on voulait s’approprier sa clientèle! Des centaines de patient·es vivant avec le VIH, désormais agent·es libres à Montréal… La chasse était ouverte.

Cette chasse n’est pas nouvelle. Il y a quelques années, des médecins ont quitté de façon massive une clinique spécialisée en VIH située dans le Village. Plusieurs d’entre nous (patient·es VIH) avions alors été sollicité·es par des pharmacies et des cliniques privées. Mais de là à obtenir mes coordonnés pendant que mon médecin de famille se meurt, il y a des maudites limites !

Dépôt d’une plainte pour bris de confidentialité

J’ai décidé de porter plainte auprès du Collège des médecins.

Montréal, le 19 avril 2018

À qui de droit,

Je suis un patient vivant avec le VIH. Mon médecin de famille est Dre Vézina de la Clinique ████████. Le vendredi 6 avril, j’ai reçu une lettre qui n’a pas été estampillée par le bureau de poste et qui m’invite à devenir patient de la Clinique ████████.

Malgré que, dans la lettre, on parle de maladies chroniques comme le diabète et les maladies cardiovasculaires, on fait mention à trois occasions du VIH, en précisant bien que la spécialité de la clinique est le VIH.

Première question : qui a dévoilé mon statut sérologique et mon adresse à Dr. ████████ de la Clinique ████████ ?

J’ai réussi à contacter mon médecin de famille le 12 avril. Elle m’a affirmé que seuls ses patients vivant avec le VIH ont reçu cette même lettre. Aussi que Dr. ████████ travaillait avant à la même clinique qu’elle, et qu’il avait quitté pour ouvrir sa propre clinique.

De toute évidence, je suis victime d’un bris de confidentialité. Dr. ████████ n’avait pas le droit de se procurer mon adresse et mon statut sérologique dans le but de magasiner des patients pour sa nouvelle clinique.

Le Collège des médecins doit sévir face à de tels gestes. Je demande à ce que Dr. ████████ s’excuse publiquement pour le geste qu’il a commis.

J’ai envoyé ma plainte par Internet, puis j’ai attendu… Il m’a fallu beaucoup de patience, car le processus est long.

Étapes suivant le dépôt d’une plainte

Après l’enquête initiale du Collège des médecins, j’ai eu droit à deux entretiens téléphoniques. On m’a finalement invité à une audience disciplinaire le 22 octobre 2019. Plus d’un an et demi après que la fameuse lettre de sollicitation soit arrivée dans mon courrier.

Ce que j’ai entendu lors de l’audience m’a renversé. La facilité avec laquelle le médecin en question a pu accéder avec des informations confidentielles sur des patient·es VIH est désarmante. J’ai d’ailleurs l’intention d’en écrire davantage là-dessus dans un prochain billet.

Nous attendons toujours la décision du procureur dans ce dossier, mais je suis heureux du déroulement des choses jusqu’à présent. Le Collège des médecins a fait son travail. Le geste grave commis par Dr. ████████ a été pointé du doigt.

Si une chose est à retenir de toute cette expérience, c’est qu’il existe un chemin pour se faire entendre lorsqu’on est victime d’un bris de confidentialité. Pour ma part, je suis très fier de l’avoir emprunté.

La confidentialité de nos renseignements personnels est essentielle pour ne pas rompre le lien de confiance entre les patient·es VIH et le système de santé.


Chantal-Paul


Si vous croyez avoir été victime d’un bris de confidentialité dans le réseau de la santé et des services sociaux, nous vous invitons à consulter ce dépliant produit par la COCQ-SIDA :

Couverture du dépliant→ Confidentialité dans les services de santé et les services sociaux : vos droits, vos recours

Parmi le contenu présenté dans le dépliant, vous trouverez :

  • Exemples de bris de confidentialité dans le milieu de la santé;
  • Vos recours;
  • Comment porter plainte;
  • Liste de ressources.

Et bien sûr, si vous vivez avec le VIH et que vous avez des questions concernant les droits et le VIH, vous pouvez contacter le service VIH INFO DROITS aux coordonnées ci-dessous.

Me Laurent Trépanier-Capistran
Avocat et Coordonnateur du service VIH INFO DROITS
Téléphone : 514 844 2477, poste 34 OU 1 866 535 0481, poste 34 (sans frais)
Courriel : vih-infodroits@cocqsida.com

Comments (2)

Ken Monteith

Déc 18, 2019 at 1:15 PM Reply

Bravo, Chantal-Paul! C’est en insistant sur le respect de nos droits qu’on contribue à la protection des droits de tous·tes.

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